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Une âme bretonne

Jeff Le PenvenC’est en mémoire de notre oncle, ou grand oncle, que les témoins familiaux que nous sommes répondent à la demande d’un article sur Jef le Penven, compositeur, afin de faire connaître un peu de son histoire, sous l’angle parfois anecdotique.

 

J’ouvrirai une image en marge de sa naissance, le 3 novembre 1919 à Pontivy dans le Morbihan.

La scène me fut décrite par ma grand-mère, Anne le Penven, née en 1901.

La famille le Penven se rendait en grand deuil à la cérémonie religieuse rendant hommage au fils aîné, Joseph, mort pour la France en 1916 et porté disparu. Le long du cortège, une élégante s’exclama : « Encore ! Encore ! » et Anne appréhenda le ventre de sa mère qu’elle n’avait pas vu s’arrondir ! Oui, il naîtrait un 11ème et dernier enfant et il porterait le prénom du fils défunt : Joseph, suivi de Marcel Marie.

Ce fut une naissance comme un événement sur un long chagrin.

 

 

Dans la maison de commerçants-ébénistes, rue Nationale, vrombissante des activités des ouvriers, sculpteurs, matelassiers…, les frères et sœurs se disputaient les faveurs du petit : il deviendrait Jef, car atypique, timide ou extravagant, doué, jeune prodige.

Comment, pourquoi ?

De mauvaise santé, il fréquenta peu l’école des Saints anges, blessé à l’œil ,il fréquenta très peu l’école primaire. Il recevra donc des cours privés. Très vite, le professeur de piano de sa sœur Amélie remarque ses dispositions et l’enseigne. La réussite conduit Jef dans les leçons de professeurs de plus en plus réputés. L’orgue devient son instrument de prédilection. Jef admire J.S Bach. Il reçoit les cours de l’Abbé Derian, à Vannes.

Adolescent, sa famille lui offre des cours à Paris puis l’inscrit à la Schola Cantorum.

Dirigée par le maître Vincent d’Indy, il y étudie l’harmonie avec ST Riquier et l’orgue avec Civil y Caestelevi. Parallèlement, en 1937, c’est du grand organiste de Saint-Sulpice, Marcel Dupré, qu’il reçoit des leçons, à Meudon.

 

 

Jef s’est épris de Suzy Le Moine et réside avec elle à Issy les Moulineaux.

En 1938, il devance l’appel mais tombe ensuite malade et c’est au Val de Grâces qu’il est soigné.

Autres rencontres de musique car un groupe se forme autour de l’organiste et du trio Pasquier et Jef peut tenir les orgues à son tour.

En 1940, il est incorporé au 10 ème régiment de dragons portés, mais la retraite de mai 40 met les soldats en débandade et Jef regagne son pays : la Bretagne.

Une période féconde s’en suit, entre 40 et 43 quand Jef, exalté par l’opportunité de faire de la musique, dispose, à 21 ans, certes sous l’occupation, des moyens de composer pour la radio « Rennes-Bretagne ». Il adhère aux idées novatrices du mouvement culturel « Ar seiz breur », rejetant les clichés du folklore breton, s’inspirant pour la Bretagne d’une modernité savante, fidèle aux couleurs et à l’âme bretonne car l’art breton existe. Collecter l’héritage et inventer en son sein, voilà l’engagement des « Sept frères », mouvement qui existe depuis 1923 et durera jusqu’en 1947.

Jef, qui réunit une technique affirmée et une science profonde de l’âme bretonne, composera durant cette période, des œuvres symphoniques comme « les celtes » , des mélodies pour chant et piano dont le « Me zo ganet e kreiz er mor », sur un poème de J.P. Calloc’h, un chant que l’on croit aujourd’hui extrait de la tradition populaire. Un recueil de mélodies est illustré par R.Y. Creston en 1942. En 1943 et 1944 paraissent deux recueils de mélodies composées sur des textes de poètes bretons : les Teir C’hanenn. De cette époque, dans l’album de famille, une belle photo de Jef, comme chef d’orchestre, dédiée à sa mère et, sur la partition originale du « Me zo ganet… », une autre dédicace : « Am mamm ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jef accompagnera R.Y.Creston dans une mission de culture populaire pour le compte du Musée de l’homme vers 1943 et il n’avait pas son pareil pour s’introduire auprès des bretons qu’il parvenait à faire chanter les airs traditionnels qu’il recueillait précieusement. Un peu de labeur partagé avec eux, de l’humour, du savoir-faire en mécanique pour réparer sa moto, les cheveux au vent, des mélodies dans le cœur et dans la tête, et voilà Jef compositeur-enquêteur dans son pays !

 

Retour à Paris, entre 1944 et 1953 !

Jef se voit confier la direction de l’orchestre du grand théâtre de Dijon, pour plusieurs saisons. Il s’intéresse également au cercle celtique à Paris, anime les stages «Ar falz » aux écoles d’été, les stages « BAS » avec Polig Monjarret et Dorig Le Voyer, harmonise de nombreux chants en exprimant la délicatesse des mélodies, en véritable censeur musical…

Marié à Suzy le Moine le 31 juillet 1948, divorcé en 1954, il s’unira à Christiane Blond en avril 1955 à Athismons.

Avec Christiane (qu’il a connue au cirque Bouglione quand tous deux, lui comme chef d’orchestre ou pianiste, elle comme patineuse, sont engagés pour quelques tournées), il se fixe à Quimper jusqu’en 1967. Il y fonde une école de musique, dirige la lyre quimpéroise, collabore avec P.J. Hélias, écrivain, qui m’écrivit de lui en 1968 :

« …c’était un homme de musique comme on dit un arbre à pommes mais il n’y a de pommes qu’en automne et Jef était tous les jours en état de musique… »

Son œuvre comporte de la musique sacrée : « Messe en l’honneur de saint Ivy », « Messe à sainte Anne », de la musique symphonique : « Symphonie Mor bihan », « la cantate du bout du monde », de la musique de ballet : « ballets bretons » , de la musique de chambre et même de la musique de film : « Mister ar Folgoat ».

 

 

 

Il assouvit également son autre passion : la mer !

Des contemplations fécondes !

Avec Christiane, il adopte une petite fille : Mariam.

 

Je fermerai mon article dans une autre image :

C’est à Douarnenez, près de la mer et rue Monte-au-ciel que Jef s’éteint le 30 avril 1967, à 48 ans, épuisé par la maladie.

Il était encore plein des musiques qu’il avait à nous donner…

Il demeure en la mémoire de ceux qui l’ont connu ou approché comme un être fondamentalement breton avec « ses sautes d’humeur et d’humour poivrées quelquefois d’extravagance » comme me l’écrivait son frère Charles, en 1967.

Je conclurai avec une anecdote qui rassemble les talents d’humour, d’espièglerie et d’originalité du personnage. Je la tiens de Claudine Mazéas, une amie à lui, qui reçut de Jef, une lettre, découpée en trois morceaux dans le sens de la hauteur et expédiée par morceau, un morceau chaque jour pendant trois jours !!! Il en jubila longtemps.

On en parle encore…

 

Mariannick Geffroy,

pour Yves et Anne le Penven, Françoise le Penven-Lesné,

François le Penven(+), Jacqueline le Penven-Macé.

Le 6 octobre 2010.

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